FRACTURE CULTURELLE SUR LA VISIBILITÉ DU RELIGIEUX
La fracture la plus nette au sein de la population française est culturelle et non pas juridique : elle s’observe en ce qui concerne la place de la religion dans la société. Majoritairement acquis aux lois de laïcité, les Français de confession musulmane sont bien plus favorables que les autres à la visibilité du religieux dans l’espace public : 75 % approuvent le port de signes religieux pour des parents accompagnateurs d’une sortie scolaire (26 % chez l’ensemble des Français), 69 % s’agissant des salariés du secteur privé (dont 78 % des musulmans de moins de 25 ans, contre 24 % de la population globale), et 63 % (contre 21 %) pour les agents du service public, ce qui reviendrait à revenir sur le devoir de neutralité religieuse des fonctionnaires. Particulièrement favorables à une forme de discrétion, les Français ne sont que 22 % à accepter le port de signes religieux ostensibles chez les usagers des services publics, une pratique pourtant tout à fait légale, et se prononcent même à 72 % pour l’interdiction de toute prière de rue ! Autre signe que, pour une majorité de musulmans, la laïcité peut clairement s’envisager “à la carte” : 81% se déclarent favorables à une loi autorisant les femmes à avoir droit à des horaires réservés aux femmes dans les piscines municipales, et 81 % à une loi autorisant le burqini dans les piscines publiques, deux propositions rejetées par plus de trois quarts des sondés.
L’Ifop a enfin soumis une série de questions ayant trait à la lutte contre l’islamisme à son échantillon principal, interrogé après la mort de Samuel Paty : les chiffres de réponse des musulmans sont donc moins fiables que ceux de l’échantillon de 515 personnes questionné en août, mais certains écarts peuvent se révéler instructifs et confirment d’ailleurs les résultats des études les plus récentes. Ainsi, 75 % des Français dans leur ensemble, se déclarent favorables à « laisser aux enseignants le droit de montrer à leurs élèves des dessins caricaturant ou se moquant des personnages religieux afin d’illustrer les formes de liberté d’expression », contre seulement 36 % chez ceux de confession musulmane. Les dissolutions des associations islamistes BarakaCity et CCIF, approuvées par une forte majorité de la population (76 et 65 %), sont rejetées par deux tiers des sondés de confession musulmane. Enfin, alors que le tandem formé par Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène est remis en cause pour sa vision jugée trop complaisante, notons que 72 % des Français se prononcent pour « la nomination à la tête de l’Observatoire de la laïcité de personnalités engagées contre l’influence des intégristes religieux dans la société. »